Questions, aspects théoriques, problèmes

Un quadruple questionnement nécéssaire

Bref retour sur les différents "brouillages" du numérique

Quel modèle implicite de l'information ?

Le problème de la qualité et de la pertinence (relevance) de l'information

Questions et précautions méthodologiques sur l'évaluation

 

Un quadruple questionnement nécEssaire

Toute la problématique de l'évaluation de la qualité de l'information ou de l'information de qualité sur Internet repose sur un certain nombre de présupposés, de conceptions implicites rarement discutées et qui semblent aller de soi. La plupart des grilles d'évaluation de l'information font généralement l'impasse sur des questionnements théoriques, pourtant indispensables.
Pourtant, chacun des quatre termes de la problématique mérite un rapide questionnement préalable, pour éviter aussi bien certaines confusions dans l'objet même de l'évaluation qu'un certain nombre d'illusions ou "d'aveuglements épistémiques".
 

Evaluer la qualité de l'information sur Internet : quatre questions, quatre aspects théoriques.

  • sur Internet :

Les caractéristiques du document numérique et le "brouillage" des composants du document doivent absolument être pris en compte, dans toute démarche d'évaluation. Il faut même commencer par là, car la plupart des difficultés et des problèmes de l'évaluation sur Internet proviennent des conséquences de la numérisation sur l'économie et la structure du document.

  • l’information :

Evaluer l'information, mais qu'entend-on précisément par information ? de quelle conception de l’information est-il question ? quels présupposés sont mis en œuvre, de quelles illusions " l’évaluation de l’information " peut-elle être porteuse ?

  • la qualité :

qu’appelle-t-on une information de "qualité " ? puisque l’évaluation de l’information vise à identifier et reconnaître une "bonne " information d’une "mauvaise ", à trier le bon grain de l’ivraie, encore faut-il caractériser rapidement les attributs d’une bonne information, ou d’une information de qualité. Et quelle différence entre qualité et pertinence de l'information ?

  • évaluer :

Evaluer, mais selon quelle conception de l’évaluation ? quels pièges, quelles précautions méthodologiques sont liés à l’évaluation ?
 
  ⇒ Il est essentiel, à nos yeux, de réfléchir au préalable sur ces différentes dimensions de l'évaluation de l'information, d'approfondir les aspects théoriques et la complexité de l'évaluation, trop souvent réduite à l'application simpliste de "recettes", à l'utilisation de grilles passe-partout. Encore une fois, savoir évaluer l'information n'est pas une compétence d'ordre technique, ni une somme de savoir faire.

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Bref retour sur les différents "brouillages" du numérique

L’évaluation de l’information a toujours posé des questions difficiles : comment évaluer "objectivement" la qualité d'un document, d'un auteur, etc. Mais au moins les différents éléments à évaluer étaient-ils assez clairement distincts et identifiables, dans le monde traditionnel de l'imprimé.
La grande difficulté, avec le numérique, provient du "brouillage des cartes" ou des frontières du document, induit par la numérisation.
Evaluer une ressource électronique ou une information disponible sur Internet implique donc une réflexion préalable sur les différents éléments qui composent cette ressource, ou cette information. D'une certaine manière, le numérique (et c'est l'une de ses conséquences les plus intéressantes) oblige à "revenir aux fondamentaux", c.a.d. à la définition, aux composants, aux strates du document.

Ces questions débordent le seul cadre de l'évaluation et renvoient aux mutations engendrées par le numérique, qui redistribue l’économie, la structure, les usages... du document et de l’information.
Schématiquement, quatre types de "brouillages" sont induits par le numérique et Internet :

  • A/ Le brouillage des "strates" du document :
    De quoi est composé un document, dont on rappellera la définition de l'ISO (Organisation Internationale de Normalisation) : " Ensemble formé par un support et une information, généralement enregistrée de façon permanente, et tel qu'il puisse être lu par l'homme ou la machine" ? ou plutôt de quoi était composé un document imprimé ?
    Des éléments suivants (sans exhaustivité) :
    - un support matériel (le papier)
    - une technique d’impression (l’imprimerie à caractères mobiles)
    - un code linguistique (la langue)
    - des techniques de mise en forme du texte (la typographie, "l'ordre de la page", les chapitres, etc)
    - des contenus, généralement textuels
    - des codes (culturels, cognitifs…) de lecture, longuement élaborés et intégrés par le lecteur
    - une séparation nette entre le livre et son signalement bibliographique…

La distinction des métiers reposait alors sur une séparation nette, non seulement des étapes de la production d’un livre, mais des différentes " strates ", des différents niveaux qui composent l’objet-livre ou le document imprimé : par exemple, la mise en forme du livre est clairement distincte du signalement bibliographique, ou de l'impression.
Aujourd'hui le numérique redéfinit la chaîne technique du document ou du livre.

Brouillage général de ces différentes catégories par le numérique :
nouveau code unique et universel, servant à la fois à l’écriture, à la mise en forme du texte, à la " lecture " (le document numérique est d’abord " lu ", c.a.d. décodé par la machine), à la recherche documentaire, au signalement du document (désormais intégré dans le document lui-même)
(sur ces questions, voir Jeanneret)

    • Quelques conséquences :
      - la confusion entre le document et l'information :
      la différence entre le document, en tant que support, et l'information, en tant que contenu, est moins évidente avec le document électronique.
      D'où l'absence de distinction, fréquente dans les grilles d'évaluation, entre l'organisation, la mise en forme, le graphisme, la navigation, le contenu... du document.

 

  • B/ Le mélange des compétences :
    pour le livre imprimé classique, distinction traditionnelle, bien établie, entre l’auteur qui l’écrit, l’éditeur qui le publie, le typographe qui met en forme le texte, l’imprimeur qui l’imprime, le libraire qui le vend…
    Sur Internet : imbrication de ces différents métiers et compétences.
    • Conséquence : 
      - difficulté à distinguer entre l'auteur et l'éditeur, entre le responsable du contenu et le webmaster...;
      - difficulté d'identification des acteurs...

         
  • C/ Le mélange des genres documentaires :
    Dans le monde de l'imprimé, repérage et identification assez facile des différents supports, des différents "genres" documentaires.
    Sur Internet, mélange généralisé de tous les genres et supports documentaires, sous l'effet de la numérisation généralisée, mais aussi à cause de la faible normalisation documentaire sur Internet.
    • Quelques conséquences : 
      - difficulté à identifier clairement un support ou un type de ressources (monographie, périodique...) ; par exemple, quel est le "genre documentaire" d'un site web ?
      - problème également des limites du document numérique :
      un document web repose de plus en plus sur la fragmentation de noeuds d'information, la (re)combinaison de différentes parties de documents (cf la syndication de contenus) ; les différences entre pages web, fichier, document, site web ne sont pas toujours claires.
       
  • D/ Le brouillage des sources :
    Dans le monde de l'imprimé, les procédures de légitimation éditoriale, les processus de validation a priori, les circuits de production (littéraire, scientifique...)... sont bien établis, connus et reconnus.
    Rappelons l'une des particularités majeures d'Internet : la possibilité offerte à chacun de publier directement, sans intermédiaire, en dehors des circuits éditoriaux habituels.
    D'où le brouillage général des sources et des statuts des documents : qui a publié cette page web ? par qui est-elle légitimée ? quel est le statut de ce document (scientifique, public, privé, etc.) ?
    • Quelques conséquences :
      - la difficulté (parfois très grande) à identifier la source, l'organisation éditoriale, l'instance de légitimation d'un document sur le web
      - la confusion entre des documents de type, de statuts et de valeur très différents

⇒ Tous ces problèmes, qui se posent dès qu'il est question du document électronique, se posent avec d'autant plus d'acuité pour toute démarche d’évaluation d’une ressource électronique. Ils nécessitent une distinction claire des composants de l'identification et de l'évaluation de l'information (cf Parties "Identification" et "Evaluation")

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Quel modèle implicite de l'information ?

La complexité de la question de l’évaluation (cf plus loin) est redoublée par la complexité de la notion d’information : quelle conception implicite de l’information est généralement en jeu ?

  • la conception documentaire classique :
    Les approches de l’évaluation de l’information sont fondées sur les conceptions documentaires "classiques " de l’information :
    - l’information en tant que connaissance, " knowledge ", contenu signifiant d’un message inscrit sur un support, qui est le document.
    - distinction entre le document et l’information

⇒ Cette conception, aussi juste soit-elle, est-elle suffisante ? Ne repose-t-elle pas sur un présupposé implicite de l’information, selon lequel celle-ci serait une entité mesurable, quantifiable, évaluable ? (cf notions d’information comme " matière première ", " pétrole gris " de nos sociétés.

  • une conception "objectiviste" de l'information :
    La plupart des approches de l’évaluation (notamment canadiennes ou américaines) restent fondées sur une conception que l’on peut qualifier d’" objectiviste " de l’information, l’information étant supposée exister " en soi ", objectivement et indépendamment d’un regard humain.
    - la conception " objectiviste " d’une information, en tant que quantité mesurable, n’est pas nouvelle et provient notamment de la " Théorie Mathématique de la communication ", de Shannon et Weaver.

Sans entrer ici dans des réflexions théoriques sur l’information, il s’agit seulement de pointer ce qui nous apparaît comme une illusion assez répandue, fondée sur la croyance en une "évaluation objective " de l’information, centrée sur ses caractéristiques " externes ".
 

Dans toute évaluation, trois caractéristiques fondamentales de l'information (au sens social, cad "l'information-knowledge" et non "l'information-data") ne doivent pas être perdues de vue :

  • le caractère socialisé, construit, de l'information :


- l'information n'existe que parce qu'elle permet l'interaction d'un humain avec un objet, elle est " une relation posée face à un objet " (Yves Jeanneret), qui est le document.
- Robert Escarpit : " un processus dont le regard humain est absent ne comporte aucune information ".
- un document ne contiendra de " l'information " (au sens social) que s'il fait l'objet d'un regard, d'une interrogation, d'une interaction, d'une interprétation.

l'information n'existe pas "en soi", elle est toujours relative à un sujet, construite par un acteur humain.

  • le caractère relatif, contextuel de l'information :


- la réception de l'information dépend toujours de son contexte, de ses récepteurs :
Y. Jeanneret : " un même énoncé (sur différents supports) produira une information de nature extrêmement différente, pour des lecteurs différents, dans des contextes différents ".

la signification d'une information dépend toujours des conditions de sa réception : réceptivité, attente... du lecteur

  • le caractère matériel, technicisé, organisé, de l'information :


- la réception de l'information dépend également de son support matériel, de l'organisation du message : importance de la mise en page, de la mise en forme textuelle de l'information...

si le contenu et le contenant, l'information et sa mise en forme doivent être distingués dans l'évaluation, ils sont néanmoins indissociables et constituent les composants de la réception de l'information.

Exemple : une information essentielle non trouvée en raison d'une mauvaise disposition, d'une mauvaise mise en forme textuelle.
 

En bref, il n'existe aucune automaticité dans la diffusion et la réception de l'information et le souci "d'objectivité" (ou plutôt d'objectivation, de rationalisation des processus informationnels), développé dans les approches de l'évaluation, ne devrait pas faire oublier le caractère toujours relatif, approximatif, incertain, construit... de l'information.

On peut d'ailleurs noter que les grilles d'évaluation de l'information ne portent que très partiellement sur le contenu-même des informations.

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Le problème de la qualité et de la pertinence (relevance) de l'information

Première remarque :
La nécessité d’identifier, d’évaluer la qualité et la pertinence de l’information n'est pas nouvelle : elle est au fondement de la recherche documentaire.

Rappel de la définition de la recherche documentaire :
" Action, méthodes et procédures ayant pour objet de retrouver dans des fonds documentaires les références des documents pertinents " (Vocabulaire de la documentation, AFNOR, 1987).

  • La notion de pertinence :
    "Degré de corrélation entre une question et la réponse apportée, la pertinence est un concept-clé de la recherche d'information depuis les années 50" (Sylvie Dalbin).
    En général, la notion de pertinence vise le document et son adéquation à une requête :
    - généralement définie par le croisement de deux notions transversales de la recherche d'information et de la RDI : le bruit et le silence documentaires :
    • bruit : documents retrouvés non pertinents
    • silence : documents pertinents non retrouvés

- l’élimination ou la réduction de ces deux indices définit la pertinence (relevance) d'un système documentaire.
> mais il s'agit là d'une vision restrictive de la pertinence, centrée uniquement sur les systèmes documentaires classiques (de type bases de données).

  • En fait, selon Sylvie Dalbin, la pertinence concerne plusieurs aspects de la recherche d'information :
    • la pertinence de la représentation du document par rapport à la requête
    • la pertinence de la représentation du document par rapport au thème
    • la pertinence du document lui-même par rapport à la requête
    • la pertinence du document par rapport au thème
    • la pertinence de la requête par rapport au système documentaire
    • la pertinence de l'information trouvée par rapport au besoin initial

 
Toutes ces catégories de la pertinence ne sont pas concernées par l'évaluation de l'information et il importe de bien caractériser la pertinence que l'on veut mesurer, évaluer.
Schématiquement, trois grandes catégories de pertinences relevées par plusieurs chercheurs :

    • la pertinence-système :

- concerne la capacité du système documentaire (logiciel, base de données...) à indexer le document et surtout à le retrouver, en réponse à une requête :
> elle vise surtout la pertinence de la représentation du document (son indexation...) et, en conséquence, la pertinence de la recherche d'information elle-même.
>> la pertinence-système ne concerne pas l'évaluation de l'information mais plutôt les outils de recherche

    • la pertinence-utilisateur :

- pertinence vue sous l'angle de l'utilisateur
- concerne la tâche elle-même de recherche, le besoin d'information, la formulation de la requête, etc.
- Plusieurs types de pertinences-utilisateur :

        • la pertinence de la formulation de la requête : comment l'utilisateur traduit sa question en une requête d'interrogation, comment le système facilite ou non la formulation des requêtes, etc.

> renvoie encore à l'évaluation des outils (des interfaces de recherche...)

        • la pertinence de la présentation des résultats : concerne encore exclusivement les outils de recherche

- par exemple, quelle pertinence des représentations cartographiques dans certains outils (Kartoo...)
- pertinence encore mal mesurée

        • la pertinence du document par rapport au besoin :

- la plus importante du point de vue de l'utilisateur :
un document pertinent par rapport à sa représentation dans le système (bien indexé), pertinent par rapport à la requête, ou au thème, n'est pas forcément pertinent par rapport au besoin d'information de l'utilisateur.
- pertinence la plus difficile à mesurer : à apprécier par l'utilisateur lui-même
- ne peut faire l'objet d'une évaluation "objective" et critériée

    • la pertinence-thème:

- concerne la pertinence de la valeur d'un document ou d’une information, par rapport au thème traité
> pertinence du contenu
- type principal de pertinence visée dans les problématiques d'évaluation de l'information sur Internet.
 

  • Notions de pertinence et de qualité de l’information :

une information pertinente répond à un besoin précis d’information, formulé par un acteur donné, à un moment donné et sur un sujet donné.

    • caractère toujours localisé, relatif, contextuel de la pertinence de l’information, qui n’existe pas en soi
  • au plan terminologique, important de distinguer ces deux notions : information de qualité et information pertinente.

Quelles sont les caractéristiques d’une " information de qualité ", notamment de l’information documentaire, ou spécialisée ?

Intéressant de repartir de la définition traditionnelle des caractéristiques de la qualité de l’information, notamment professionnelle : elles définissent en creux tous les objectifs et les critères d’évaluation :

  • une information identifiée, " sourcée "

- une information dont on peut identifier facilement l’auteur

    • identification = le premier objectif de l’évaluation
  • une information fiable :

- le contenu, les données apportées doivent avoir été vérifiées, recoupées ;
- l’information professionnelle doit reposer sur un contrat de confiance, une légitimité admise, évitant au lecteur d’avoir à vérifier lui-même la véracité des informations.
- Fiable ne signifie pas forcément " vraie " : fiabilité n’égale pas vérité…

    • objectif le plus difficile et le plus important de l’évaluation de l’information sur Internet, puisqu’il n’y a pas forcément le contrat de confiance existant dans l’information professionnelle 
  • une information apportant de la nouveauté :

- renvoie à la définition même, au plan théorique, de l’information : quelque chose qui apporte du nouveau, enrichit les connaissances.

    • sur Internet, l’évaluation de l’information doit viser à apprécier le degré de nouveauté, d’originalité d’une information ;
    • l'un des fléaux d’Internet : la redondance, qui toucherait environ un tiers des documents… 
  • une information précise, exacte, complète ou exhaustive :
    - critère de la densité, de l’exactitude, de la complétude de l’information apportée.
  • une information accessible :

- l’information documentaire, spécialisée, doit être facilement retrouvée, identifiée, localisée, et accessible.

    • problème sur Internet de l’accès parfois incertain aux documents, de l’accès gratuit ou payant, de la localisation… 
  • une information fraîche, actualisée :

- mise à jour, renouvellement de l’information est une donnée essentielle

    • critère de la mise à jour des sites web 
  • une information ayant un impact, un effet :

- caractéristiques de l’information " utile ", recherchée en vue d’un objectif d’action ou de décision…

    • critère difficile à apprécier, lié à la pertinence et à l’adaptation de l’information à l’objectif de recherche
  • une information bien structurée, bien présentée, bien rédigée :

- voir ci-dessus l'importance des critères de forme

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Questions et précautions méthodologiques sur l'évaluation

Six questions posées, donnant lieu à six précautions méthodologiques :

1/ Identifier, évaluer, valider : quelle différence ?

Dans certaines approches de l'évaluation, les questions sont parfois mélangées et portent à la fois sur :

- les éléments servant à identifier, repérer, classer le site, qui ne peuvent donner lieu à évaluation : par ex., la nature du site (site universitaire, associatif, etc), ses objectifs... ne peuvent être évalués, cad jugés, notés, comparés…
- les éléments servant à juger, noter, comparer le site, selon un barème, une grille de critères : par ex. l’accessibilité du site, ou bien la qualité de l’expression…

    • précaution méthodologique :

- bien distinguer, dans le questionnement, ce qui relève de :

      • l’identification, de la description d’un site ou d’une ressource : tous les éléments permettant de situer, de référer, de classer, d’identifier… sans possibilité (ou sans intérêt) de jugement, de notation
      • l’évaluation : ce qui peut donner lieu à jugement critique
      • la validation : les éléments de sélection, de référencement

2/ Evaluer : pour quels objectifs ?

La définition des objectifs de l'évaluation

Toute évaluation se fait dans un contexte donné, par des acteurs et pour des objectifs donnés.
Schématiquement, deux types d’évaluations, menées par deux catégories professionnelles ou sociales, pour deux sortes de finalités :

  • les bibliothécaires, les documentalistes, les professionnels de l’information, mais aussi les enseignants, les étudiants… :

o       objectif : recensement de ressources validées, pertinentes, pouvant répondre à des besoins d’information

o       évaluation du contenu prioritaire

o       finalité de sélection

  • les webmasters, graphistes, ergonomes, spécialistes du référencement de sites web… :

o       objectif : amélioration de la visibilité, de la diffusion, du référencement, de la notoriété d'un site

o       évaluation du contenant prioritaire

o       finalité de diffusion

  • précaution méthodologique :

o       bien définir ses objectifs d’évaluation, et les hiérarchiser en finalités / objectifs généraux / objectifs spécifiques, en fonction de ses objectifs de recherche, ou de ses objectifs professionnels ;

o       Exemples :

finalité : sélection de l'information

objectifs généraux :

      - a/ élaborer une sélection de ressources sur un thème ou dans un domaine quelconque
- b/ faire une recherche documentaire sur un sujet précis et sélectionner quelques ressources
- c/ faire une activité de veille sur un sujet

objectifs spécifiques :

      - a/ mesurer la pertinence, le sérieux d’une source ; évaluer la notoriété d'un site...
- b/ évaluer l'expertise d'un auteur ; vérifier la fiabilité des informations trouvées ; évaluer la pertinence des ressources sur le sujet ; évaluer la qualité d'expression d'un texte...
- c/ vérifier la fraîcheur d'une information ; évaluer la fiabilité d'une source ; évaluer la pertinence des ressources sur le sujet...

finalité : diffusion de l'information

objectifs généraux :

- a/ comparer l’ergonomie de différents sites web
- b/ évaluer la structuration de l'information dans un site
- c/ évaluer la qualité graphique d'un site

objectifs spécifiques :

- a/ évaluer les performances et la pertinence des interfaces ; comparer les dispositifs de navigation interne : plan, liens... ; évaluer la qualité des pages d'accueil...
- b/ évaluer la cohérence, la logique de l'organisation du site ; évaluer la clarté de la présentation des informations (sommaire, etc)...
- c/ évaluer la lisibilité du site ; évaluer la charte graphique ; évaluer le choix des formats graphiques...

3/ Qu’est-ce qui est évalué ?

La délimitation de l'objet de l'évaluation :
selon les objectifs fixés, il s'agit de définir clairement ce qui doit être évalué et d'identifier les problèmes sous-jacents posés :

un site web ? une partie du site ? Une page web ? un document autonome ?

o       problème des " limites " du document électronique

un document électronique ou bien l’information contenue ?

o       problème de la distinction entre document et information, support et contenu

l’information contenue ou son organisation, sa structuration ?

o       problème de la distinction entre information et organisation de celle-ci, entre contenu informationnel et mise en forme

la structuration du site et/ou du document ou son esthétique, son graphisme, sa lisibilité ?

o       problème de la distinction entre mise en forme, structuration et choix du graphisme, esthétique du texte, dispositif de lecture

D’autres objets de l’évaluation peuvent être trouvés :

dans l’information, qu’est-ce qui est recherché et évalué ?
sa pertinence ? son originalité ? son exhaustivité ? sa fraîcheur ?

la notoriété, le sérieux de la source ?

⇒ L'imbrication de toutes les dimensions, de toutes les " couches " du document par le numérique induit une certaine confusion entre les différents aspects et composants du document et de l’information, qui risque de se retrouver dans l’évaluation.

précautions méthodologiques :

o       selon son objectif, identifier et délimiter clairement ce qui fera l’objet, en priorité, de l’évaluation : contenu, forme… ?

o       acquérir une meilleure connaissance des différentes " couches " d’un document électronique, des différents composants d’une unité documentaire

4/ Evaluer : selon quels critères ?

La formulation et la hiérarchisation des critères :
Evaluer quelque chose (ou quelqu’un) signifie à la fois juger, comparer, parfois quantifier, selon des critères externes posés a priori, plus ou moins explicités et détaillés.

    • problème :

- les critères ne sont pas toujours clairement exprimés et formulés : on évalue généralement " à l’instinct ", au jugé, selon ses propres modèles de qualité, cad selon des critères non explicités, non formulés.
- l’évaluation se fait spontanément de manière globale, sur une impression d’ensemble d’un site, d’un document…
- les différents éléments d’évaluation sont souvent confondus : notamment la différence entre le contenu et la forme du document.

    • précautions méthodologiques :
      • expliciter ses critères d'évaluation, personnels ou non
      • établir une liste de ces critères, classés en différentes parties
      • viser l'exhaustivité des critères : les critères doivent pouvoir cerner tous les composants d’un site, ou tous les aspects d’une information
      • hiérarchiser les catégories et les critères : toutes les catégories ne peuvent être mises sur le même plan, tous les critères ne se valent pas. Cette hiérarchisation n’est pas absolue et dépendra des objectifs de l’évaluation.
         

5/ Evaluer : en référence à quelles normes ?


La connaissance et l’explicitation des normes :

Caractère normatif de l’évaluation :

o       critères fondés sur des normes, des valeurs, des règles, qui représentent un "idéal-type" et permettent de distinguer la qualité de la médiocrité.

problème :


- les règles et les normes, qui définissent un " modèle " de la qualité, sont souvent mal connues ou peu connues :

o       exemple des règles de la mise en page, de la lisibilité des documents électroniques…

précaution méthodologique :

o       connaître les règles, les normes, les " canons " de la " qualité documentaire " :

- critères de qualité de l’information
- normes d’identification des documents
- règles de présentation des documents
- normes de mise en page
- etc.

⇒  L’évaluation des ressources électroniques nécessite en amont de nombreux savoirs, non seulement disciplinaires, mais documentaires, des compétences diverses, renvoyant à divers métiers ou domaines professionnels.
 

6/ Evaluer : selon une grille universelle ou des grilles spécifiques ?


Universalité ou spécificité de l’évaluation ?

Peut-il exister une grille universelle d’évaluation de l’information ?
A l’évidence non : plusieurs grilles d’évaluation à élaborer et utiliser selon :

o       l’objectif et l’objet de l’évaluation : évaluation du contenu différente de celle du support

o       " l’étendue " de la ressource : évaluation d’un site entier, d’une partie, d’un document précis…

o       le type de ressources électroniques : différences selon la nature des sites (documents scientifiques évalués différemment de sites grands publics), la nature des documents (textuels ou non textuels…)

Existence de quelques critères communs, de catégories communes de critères, mais organisation différente des critères selon les objectifs, les situations, les objets de l’évaluation…

Grilles existantes, plus ou moins élaborées, et découpées en parties bien distinctes, visent une sorte d’universalité de l’évaluation, mais sont adaptées en fait à des situations assez spécifiques :

Exemples :

  • " Grille d’évaluation de l’information présente sur Internet ", de Doc’Insa : contenu, organisation, auteur, autres critères… : bien adaptée pour évaluer des ressources scientifiques, présentées plutôt sous forme d’unités documentaires
    • permet difficilement d’évaluer un site entier, ou une ressource issue d’un secteur non scientifique 
  • " Grille de sélection des sites web " : du réseau de la Santé et des services sociaux de la région de Montréal : 4 parties : contenu, navigation, présentation visuelle, accessibilité : portée plus générale, pouvant couvrir différentes sources, mais grille visant clairement l’évaluation d’un site, ou d’une partie de site, et non celle d’un document.
    • bien adaptée à l’évaluation d’un site web, de toute nature, mais pas assez précise pour évaluer un document spécifique, ni le contenu informationnel
  • Weborama : grille d'évaluation commerciale, ou "grand public"
  • précautions méthodologiques :
    • adapter les grilles d’évaluation à l’objet et à l’objectif de l’évaluation
    • bien distinguer les critères communs, " universels " pour l’identification d’une information de qualité avec les critères propres à chaque catégorie, chaque type d’information
    • ne pas s’enfermer dans des grilles d’évaluation trop figées : l'évaluation de l’information est surtout un questionnement

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Sylvie Dalbin, Instruments de recherche sur le web, In La Recherche d'information sur les réseaux. Cours INRIA, 30 septembre-4 octobre 2002, Le Bono (Morbihan), ADBS Editions, 2002, p.46-50